Rocha Sadoula
10 photographies couleurs
24x36cm et 18x24cm / papier baryté
Rochessadoule est un village des Cévennes gardoises qui tire son nom de l’occitan Ròca-sadola qui pourrait vouloir dire « la pierre gorgée d’eau ». C’est un village peu touristique, délaissé par l’industrie qui a fait sa richesse : le charbon. Lorsque l’exploitation minière a débuté au début du 19e, les habitants ont déserté les sommets des reliefs montagneux pour de modernes habitations construites sur une plateforme au fond de la vallée. Village voisin de Bessèges, Rochessadoule s’est alors équipé d’une école, d’une salle des fêtes, d’une église, de nombreux cafés, d’épiceries et est devenu l’un des nœuds principaux de maillage ferroviaire français jusqu’au milieu du 20e siècle. La zone était alors l’une des plus peuplées de la région puisque Bessèges, qui au 18e siècle n’était alors qu’un hameau voisin, comptait à la fin du 19e siècle, 11 000 habitants, travaillant aux mines ou dans les nombreuses industries connexes. C’est d’ailleurs là qu’eut lieu la catastrophe de Lalle, en 1861, une inondation qui tua 110 mineurs et inspira Zola pour l’écriture de Germinal.
La fin de l’exploitation du charbon précède la fin des industries dans les communes voisines. Bessèges et Rochessadoule perdent alors leurs mines, leurs verreries et leurs fonderies. Depuis la fin du 19e siècle, la population de Rochessadoule a été divisée par 6, pour ne plus compter, en 2018, que 833 habitants. Restent ceux trop attachés à leur pays ou ceux qui n’ont pas les moyens financiers de trouver une alternative. Les infrastructures pharaoniques qui ont façonné le paysage se sont couvertes de lierre et de feuilles mortes. Au début des années 90 une population nouvelle s’est installée dans les alentours. Originaires des villes ou de l’étranger, des jeunes gens ont pris possession des lieux, attirés par un mode de vie dit “plus simple” ou par une vie en communauté. L’ancien hameau de La Valette, délaissé depuis l’installation de la mine, est investi par une communauté du mouvement punk, squat. Les appartements construits au début du 20e sont désormais loués pour des sommes très modiques. Si elle n’a pas freiné l’exode rural et la fermeture des services publics, la population a toutefois changé : les rochessadoulois d’origine se sont raréfiés et les nouveaux habitants sont arrivés avec des projets de vie particuliers, des projets parfois politiques dont la jeune génération se détache à présent.
J’ai découvert Rochessadoule par hasard : un séjour en camping prévu sur une carte IGN en suivant du doigt le tracé de la voie ferrée. Une fois sur place, le train avait été remplacé par un mini bus, mais au camping, il y avait du monde. Sa piscine, ouverte aux habitants des alentours, en faisait le cœur battant de l’été. C’est dans ce contexte que j’ai rencontré Franck, le gérant du camping, un Lillois arrivé là pour des raisons qui me paraissent, 12 ans plus tard, encore floues, et qui avait fait 4 enfants tous plus blonds les uns que les autres. J’ai aussi rencontré des gens du coin qui sont devenus mes amis. Plusieurs années durant, dès que j’avais du temps libre, je me précipitais dans les Cévennes pour les voir, et ce sont leurs enfants, cette nouvelle génération qui m’a donné l’envie de commencer ce travail photographique.